LE CHOC (A PIC) DES CULTURES !

REP DOM


AVANT-PROPOS

A:Gringa (en l’occurrence moi), d’origine européenne en apparence (et en réalité) saine de corps et d’esprit, honnête, éduquée, après 9 mois de vie en République Dominicaine.

B : Dominicain ou dominicaine, en apparence (et seulement en apparence visiblement) sain de corps et d’esprit, après 30 ans de vie en République Dominicaine.
A (parlant au téléphone avec B) : Quoi ? Tu sors de prison ??? Heeeeeen (d’un ton super inquiet) mais qu’est-ce que t’as fait ? Parle plus fort je t’entends mal ! (silence) T’as coupé le bras de ton voisin à la machette ? Haaaaaan… (puis d’un ton super soulagé). Tu m’as fait peur, j’ai cru que c’était un truc grave.

PREMIÈRE PARTIE

Car à Las Galeras- ce petit village de pêcheurs, niché au milieu d’une nature incroyable (ment paradisiaque), sur les derniers mètres de la péninsule de Samana, en République Dominicaine, si beau, si paisible en apparence- l’impensable devient pensable, et l’impossible devient possible (très probable même)…
Ici, nous sommes en effet dans un autre monde, au bout du monde et …
… au bout du rouleau, aussi, parfois…il faut bien le dire ! Comme dans toute histoire d’amour…

« Las Galeras » c’est 37°2 (et pas que) le matin. On tombe sous le charme au premier coup d’oeil de cet amant indomptable qui te prend par surprise, te secoue les tripes, t’anime le corps (à corps) et t’illumine les yeux. On en perd le Nord et pourtant, on est au Sud. Je t’aime moi non plus… et amoureuse, on en redemande. Malgré les coups… de gueule, à boire, du sort, de cœur, de chaud, de Trafalgar surtout ! On en redemande parce qu’on est « in love »… de son corps, de son âme et de ses pirates … des Caraïbes (sans foi ni presque loi)... Jonhy Deep peut largement aller se recoucher. Parce qu’ici : casting de rêve, authenticité des acteurs 100% garanti.

Je suis donc comme au cinéma mais pas de maquillage, pas d’effet spéciaux, mais du 100% décor naturel.

Comme au cinéma, devant un nouveau genre, mixant série B à la soap, film d’aventure -La guerre des étoiles…de mer, Super comédie blog buster de l’été, tragédie grecque, voir même film érotique du dimanche soir sur M6. Un cocktail explosif. Le tout, arrosé de Rhum.

Comme au cinéma, à la différence près qu’à Las Galeras c’est du 100% live. La VRAIE vie en technicolor. Pas de filet (sauf dans nos assiettes). Pas de scénario. Mode Improvisation. Et…Action !

Ici, les villageois vivent donc au jour le jour, au rythme d’un soleil éblouissant et d’une Bachata enivrante, sans jamais penser à ce que demain, ni la minute d’après d’ailleurs, sera fait, dans un lâcher prise étonnant et inégalé à ce jour, sans se poser plus de questions (pour un champion et Dieu sait qu’il y en a des champions ici…). On mange quand on a faim, quelque-soit l’heure du jour, et surtout…de la nuit. On dort quand on a sommeil, quelque-soit l’heure de la nuit, et surtout… du jour et on fait l’amour quand on en a envie. Si à cet instant T ta femme est à tes côtés tant mieux, si elle ne l’est pas, tant pis (pour elle surtout), une autre fera l’affaire.
Parce qu’il est vrai, pourquoi se compliquer la vie quand elle peut-être aussi simple ? Franchement…C’est d’une logique imparable…

Tout comme il est d’une logique imparable qu’enfiler un bonnet en laine par 45° rafraîchit le corps et l’esprit, que porter des chaussette à mi-mollet avec des tongues te rend irrésistible, que garer sa moto au milieu du salon donne à la pièce un côté classieux, qu’être une touriste blanche fait d’office de toi une millionnaire (pour mon banquier bizarrement pas), que coucher n’est pas tromper mais partager et que mentir n’est pas trahir mais jouer (avec les mots) …

Et oui car ici, à « Las Galeras », c’est JEU-set et MA(T)CHO ! Sans vouloir pomper Alfred (en tout bien tout honneur, il en va de soi), les hommes sont menteurs, infidèles, orgueilleux, irresponsables (ca c’est de moi, paf… vengeance !) méprisables et sensuels, les femmes … Il y des vers partout (et pas que dans les poèmes de Musset), même dans les avocats (du palais de justice), des tigres dans toutes les rues, même les moustiques en sont… et des mœurs plutôt dou(x)…teux. Enrobés de barbes à papa, de nougat crémeux et de sucre d’orge (ou d’ogre, devrais-je dire…) histoire de noyer un peu le poisson perroquet, spécialité du coin, fameuse !

Et malgré toutes ces choses étranges, contestables surement, si loin de notre façon de faire... on est touché en plein cœur par les sourires ultra-bright de ses femmes, de ses hommes, par leur âme et rire d’enfants, par cette joie de vivre contagieuse, cette simplicité déconcertante, cette insouciance ravageuse, cette générosité débordante, ses corps chaleureux, ses mains tendues, ce 100% O complexe (plagié honteusement par les yaourts Danone, je m’insurge !). On est fasciné par cette douce folie furieuse qui berce les eaux limpides de ce village (d)étonnant. On devient addict à ce vent de liberté chérie qui souffle sur ses paysages paradisiaque et envoûtants, à ses pirates si « attach(i)ants » et à ce bordel loufuck…heu…foque.

DEUXIÈME PARTIE
Si bien que très vite, ni vu ni connu v’la que je t’embrouille, je fais partie intégrante du village et je navigue à l’aise blaise, au milieu de bombes atomiques qui sortent faire leur course en bigoudi - parce que vendredi, c’est bigoudi, du chat allongé dans les rayons de la superette entre 2 boîtes de conserve et des paquets de riz et de mon voisin faisant la sieste sur sa moto tunée. Ce même voisin croisé au petit matin, une chèvre sur la tête, tout va bien...

Cependant, à J+ 1 mois, je m’insurge encore un peu, en bonne française, éduquée à la sauce tartare judéo-chrétienne (genre je culpabilise à mort) devant des prostitués, habillées comme…. des putes (jusque-là rien d’anormal me direz-vous) jouant au Domino avec des mômes de 8 ans en uniforme… et devant l’affiche de la disco « Interdit aux mineurs » poursuivant par un… « et aux armes » -citoyens, allons enfants de l’anarchie. Merci pour la précision, ça promet une soirée sympathique…
Mais à J+ 3 Mois, je rigole déjà, et pourtant à jeun, devant une moto conduite par un môme de 7 ans, avec en passagers 3 autres membres de sa famille dont sa grand-mère de… 35 ans d’âge … et devant des gamins de 3 ans, machettes en main, peau de lapin, la maîtresse en string de bain !

A J+4 mois, j’attends avec impatience le cérémonial du dimanche soir où la méga voiture-disco mobile de cousin Pedro (fraîchement rentier de son méga commerce de …cigarettes qui rendent nigaud) arpente la rue principale suivie de 150 motos méga « tunées », agglutinées à ses baffles géantes-comme des moustiques à une peau d’Anglais (ou de roux, si vous préférez). Baffles qui, soit-dit en passant, te font perdre d’emblée 5 points d’audition.
Chouette c’est dimanche, une oreille en moins ! Et j’attends surtout de (re)voir le gendre (presque)idéal et si poli (game) … mimant avec sa belle-mère une sodomie endiablée, suivie d’une brouette japonaise , au son du Regaton (célèbre danse traditionnelle) sur la piste du Macumba local et sous les applaudissements de toute la famille.
Ici, certes tout ne tourne pas complétement rond et est loin d’être carré. Mais je me délecte de ce spectacle qui s’offre à moi, de cet autre monde, de cette autre histoire…

A J + 5 mois : Je me fais donc une joie de jouer au Domino avec la joyeuse bande de J+1mois. Et une semaine plus tard, je me retrouve, à 2h du mat, à danser la Bachata, un verre de rhum à la main, rigolant à côté de mamie Lucia, à qui je viens de dire bonjour pour la première fois et surtout la dernière (puisque fraîchement trépassée de la veille). On appelle cela la « Velorio Party » : une sorte de (dé)pendaison de crémaillère, très tendance.

A J+ 6 mois : je me (sur)prend à dire avec un enthousiasme non contenu : « Bravo, tu vas voir tu vas t’éclater, la maternité, c’est le bonheur ! » à une future maman de… 14 ans !

Bref, vous l’aurez compris, ici, à 3 ans, on est gangster, à 14 ans on est maman, à 20 ans on est sourd (à cause des baffles de cousin Pedro), à 35 on est grand-mère et à 60 ans on est… mort. Enfin, « Si Dios quiere ». D’un diabète salé ou autre réjouissance…Parce que brûler la vie par les 2 bouts, c’est pas de tout repos… et c’est ça qui est bon !
Vous l’aurez également compris, à moins d’être déjà une dangereuse psychopathe reine du boule qui s’ignore, ici notre système de pensées est challengé « A muerte », nos préjugés se prennent une volée de bois vert, nos idées reçues une grosse raclée, et notre éducation est mise à rude épreuve baltringuée, fouettée, chaloupée. Ce village m’oblige à faire peau neuve, bien que bronzée jusqu’aux orteils (nous sommes sous les tropiques tout de même !). On me pousse dans mes limites de vitesse, je sors de mes gonds de porte et de nouveau de l’œuf jusqu’à renaître de mes cendres (des 2 paquets de clopes que je fume par jour) ….

A J+7 mois donc, l’apothéose : je remplace, « finger in la nariz » (=nez), bien qu’avec encore une certaine raideur dans le déhanché, la belle-mère dans la chorégraphie sodomite et brouterie japonaise du gendre (plus du tout) idéal, sous les encouragements de toute la famille. Ambiance fort fort bon enfant, vous l’imaginez...

A J+8 mois, je fume le calumet de la paix avec le flic (flac) en service.
A J+9 mois, je ne bronche pas quand, un dimanche soir, j’apprends que le père du bébé de la future maman de 14 ans, n’est autre que son cousin… de 20 ans son aîné.
Chouette alors, une oreille en moins et un inceste en plus !

TROISIÈME PARTIE

… Puis… deuxième effet kiss cool, je me dis quand même : heu…ma fille…y’a cojones (= couilles) dans le pâté de chivo (=chèvre), baleine à bosses sous gravier, chouette dans le marais. Puis j’enchaîne illico sur un MAIS OU-SUIS-JE ? QUI SUIS-JE, OU VAIS-JE ?
Pour revenir très vite au : Qui suis-je ?....
… pour juger ?

Et que faire ? Condamner ? Tolérer ? Accepter ?

Car j’aime ce pays, ce village d’irréductibles Gaulois sauce Caribéennes….
Je me suis lovée au creux de ses cocotiers et dans les bras d’un de ses serial-lovers…
J’ai été accueilli à bras ouverts, comme une des leurs, dans ses familles.
J’y ai arpenté ses routes sublimes sur une moto de bande-dessiné, cheveux au vent (de liberté…)
J’ai joué avec ses enfants, dansé avec ses hommes, refait le monde avec ses bombes atomiques.
Je me suis ressourcée dans ses eaux plus transparentes qu’un film handybag.
J’y ai mangé ses Pica Pollo, ses trips de chèvre, ses San Concho populaires et bu ses « Santo Libre » -comme l’air, qui n’ont de saint que leur nom …
Je me suis réchauffée auprès de son soleil, ses cœurs et ses feux de joie.
Je me suis fondue dans son décor de carte postale et dans ses pas (peu dire).
Je me suis perdue dans ses belles paroles puis retrouvée (dans de beaux draps !).
J’y ai pleuré un peu, ri beaucoup, vibré passionnément (bien plus que le jouet de mon amie Margaux, c’est pour dire), à la folie même…

J’y ai appris à grandir encore un peu (plus).

SUITE ET FIN

Et, surtout, sans vouloir pomper JJ.Goldman (toujours en tout bien tout honneur, non mais !) mais quand même un peu :
« Si j’étais né en 17 à Las Galeras,
Sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleure ou pire que ces gens ?
Si j’avais été d’ici, avant.

Bercé d’humiliation de haine et d’ignorance,
Nourri de rêves de revanche
Aurais-je été de ses improbables consciences
Larmes au milieu d’un torrent….

Alors qu’on m’épargne si possible très longtemps,
d’avoir à choisir un camp…. »

Et d’ajouter : car pour moi, plus rien ne sera comme avant…